En 2017 Catherine et Hawa m’ont proposé de parrainer une jeune fille. Il s’agissait d’un parrainage de type « Social » plutôt que professionnel. J’ai accepté.
C’est ainsi que Catherine m’a présenté Jémima, et c’est ainsi que Jémima est rentrée dans ma vie. Hawa a été notre coordinatrice et à suivit avec attention et bienveillance l’évolution de nos travaux pendant plusieurs années.
Jemima signifie « jour après jour », « belle comme le jour », « colombe » en hébreux. Fille aînée de Job dans la famille que Dieu lui accorda après la fin de ses malheurs.
Quand j’ai rencontré Jémima pour la première fois, elle était timide, réservée voire même effacée. Elle ne soutenait pas mon regard, parlait tellement doucement, à voix basse, feutrée, presque inaudible que je devais lui demander, bien souvent, de répéter. C’était comme si elle ne voulait pas déranger le monde, comme si elle s’excusait d’exister. Comme si sa présence au monde ne s’expliquait pas, ne se justifiait pas.
Jémima était complètement désocialisée. Elle arrivait de son pays lointain, le pays du soleil : le Congo Brazzaville.
Elle était perdue dans notre mode de vie, nos habitudes, nos usages, nos règles, nos traditions, nos coutumes, nos rythmes. Arriver à l’heure par exemple, elle ne savait pas. Elle n’était même pas en retard. Il m’est arrivé de l’attendre 1 h ou 2 heures !!!
Son cadre familiale était présent voire même oppressant, rigoureux avec beaucoup de règles. Présence que je trouvais écrasante. Présence de la règle, de la loi, de la représentation paternelle. Surveillée par sa famille, les rendez-vous à prendre était compliqués (lieux – horaires).
Nous nous sommes rencontrées de nombreuses fois, le samedi matin au marché de Troyes. La première fois, elle n’a rien dit. Elle a commandé un jus d’orange qu’elle n’a pas bu. Elle simplement trempé ses lèvres dans son verre. Nous avons quand même réussi à nous entendre sur un prochain rendez-vous.
Les jours, les semaines, les mois passant, nous avons appris à nous connaitre, nous apprivoiser. Petit à petit, nous avons pris l’habitude de nous retrouver régulièrement. Elle me racontait sa vie de là-bas, sa vie d’ici, ses envies, ses projets. Je lui parlais de moi aussi. Petit à petit sa langue se déliait, la confiance s’installait. L’alliance, la coopération mutuelle, la collaboration mais aussi le respect, l’amitié devenaient évidents.
Tous les sujets étaient abordés : sa vie de famille, ses amies, ses envies, ses projets, désirs, attentes, son avenir professionnel, sa rencontre avec le papa de ses enfants, sa vie de couple, ses difficultés et rebondissements, etc.
Et puis un jour elle est partie. J’ai cru que c’était terminé et que l’éloignement justifiait que notre relation diminue puis s’éteigne à jamais. Longtemps je suis restée sans nouvelle.
Puis un jour Jémima a eu un enfant et elle m’a inondé de photos de son bébé dont elle était si fière. Nous avons beaucoup parlé, cette année-là. Beaucoup communiqué.
Une autre fois elle a rencontré des difficultés dans son couple et elle m’a immédiatement téléphoné. Nous avons beaucoup réfléchi ensemble.
Aujourd’hui elle a eu un deuxième enfant. Elle habite Nantes ou elle travaille comme AHS à l’hôpital et commencera en janvier prochain un stage pour devenir Aide-soignante.
En fait la relation a été très longue à s’installer. Parfois il m’arrivait de penser que finalement je ne servais à rien. Elle partait et je restais sans nouvelles pendant des mois. Puis elle réapparaissait avec de nouvelles idées, de nouveaux projets, des souhaits.
Malgré sa timidité, Jémina, a toujours eu beaucoup d’ambition. Elle a constamment cherché à s’améliorer, progresser. Elle a su s’affirmer et s’inscrire dans la vie tant professionnelle que personnelle avec beaucoup de dignité, courage, détermination, force et vigueur. Elle a toujours eu l’énergie et l’ardeur d’affronter et régler tous les freins qui lui barraient la route.
J’ai aidé Jémima dans son parcours par ma présence, mon écoute, mes conseils, mon regard, mon envie de la voir prendre place dans notre société, la confiance que je lui porte, les vœux (désir de succès, volonté de réussir) que je formule pour elle.
Je suis aujourd’hui très fière d’elle. J’espère vivement qu’elle se rend compte de son parcours, ses progrès et qu’elle est fière d’elle-même.
C’est toujours une joie partagée de nous retrouver quand elle vient à Troyes.
La prochaine fois elle a prévu de me présenter ses deux enfants car si je les ai vus en photo, je ne les connais pas encore physiquement. Elle sait que je serais toujours là pour elle et inversement, réciproquement.
Ce que j’ai appris :
· C’est que la Relation nécessite que l’on prenne le temps, que l’on crée du lien, qu’on laisse à l’autre le temps de prendre son temps. Qu’apprivoiser signifie créer du lien et devenir unique l’un pour l’autre comme l’explique le renard dans le « Petit Prince » de Saint Exupéry.
· J’ai aussi appris que l’intention est une force, une force créatrice, une énergie. L’intention est le fait d’avoir l’envie, l’idée, la volonté de réaliser un projet. L’intention donne naissance au désir, le désir pousse à la réflexion et après réflexion le passage à l’action. Tout est une question de patience. L’intention est la force mentale et émotionnelle qui dirige nos pensées, nos paroles et nos actions vers un objectif ou un résultat. L’intention est un outil précieux de la relation. L’intention est une force puissante qui peut transformer nos vies de manière significative.
· J’ai aussi appris que si j’étais là pour l’aider, elle m’a également aidé. La relation fut et est encore réciproque. Elle m’a appris que « loin des yeux » n’équivaux pas à « loin du coeur »
Merci, Merci à la Mission Locale. Merci, Merci à Catherine et à Hawa de m’avoir donné la chance d’avoir rencontré cette belle personne.
Et enfin merci à Jémina qui finalement a été, pour moi, un Maitre. J’ai cru que j’étais là pour l’aider et finalement c’est elle qui m’a fait évoluer. MERCI encore.
Troyes le 24/10/2024
Elisabeth Gariglio